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cette bouche ironique laissait tomber ces mots : « Ah ! Vous n’en êtes pas amoureux ! » Il vit aussi le passage d’hésitation qui avait immobilisé cette bouche quand lui, René, avait demandé : « Alors vous savez quelque chose sur elle ? … » Le même flot de mémoire lui rapporta d’autres images associées à celle-là. Il entendit la voix de Suzanne disant, dès leur troisième causerie : « Votre ami M. Larcher, je suis sûre que je ne lui suis pas sympathique. » Encore ce matin, n’avait-elle pas formulé cette défiance ? Oui, elle n’avait eu que trop raison de se défier de cet homme. S’il ne l’avait accusée que d’une intrigue avec lui, René. Mais cette immonde insinuation, l’autre, qu’elle était entretenue par Desforges, il avait osé la proférer ! … Ce qui rendait cette idée intolérable au poète, ce n’était pas qu’il eût une ombre d’ombre de soupçon contre sa divine maîtresse. Seulement, il sentait que Colette n’avait pas menti en prétendant tenir cette infamie de Larcher. Pour que Larcher eût répété cette atroce chose, il fallait qu’il la tînt de quelque autre bouche. Et si Suzanne avait insisté comme elle avait fait, à deux reprises, pour apprendre comment Claude parlait d’elle, c’est qu’elle se savait en proie à l’outrage de cette abominable calomnie ! René aperçut en pensée ce Desforges qu’il avait rencontré une fois chez elle, ce vieux beau, avec