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femmes pleurent ainsi comme elles veulent, pourvu qu’elles soient un peu nerveuses. Ces deux pauvres larmes achevèrent de l’affoler.

— « Ah ! » s’écria-t-il, « vous pleurez ! … Vous… »

— « N’achevez pas, » interrompit Suzanne en lui mettant la main sur la bouche et se retirant de René. Elle fixait sur lui des yeux où la passion se mêlait à une espèce d’étonnement épouvanté. « Oui, vous m’avez touchée ! Vous m’avez fait découvrir en moi-même des abîmes que je ne soupçonnais pas… Ah ! j’ai peur, peur de vous, peur de moi, peur d’être ici… Non ! nous ne devons plus nous revoir. Je ne suis pas libre. Je ne devais pas écouter ce que j’ai écouté… » Elle se tut, puis, lui prenant la main d’elle-même : « Pourquoi vous mentir ? … Tout ce que vous sentez, je le sens peut-être. Je ne le savais pas, je vous le jure, avant cette minute. Cette sympathie à laquelle je cédais et qui m’a fait venir vous rejoindre ce matin… Mon Dieu ! … Ah ! je comprends, je comprends… Malheureuse, comme le cœur se laisse surprendre ! … »

De nouvelles larmes tremblèrent à la pointe de ses cils. René se trouvait si bouleversé par les paroles qu’il venait de prononcer et d’entendre, qu’il ne put rien répondre, sinon :