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était profonde. Il n’en allait pas de même de madame Offarel qui, venue deux soirs de suite avec ses deux filles et n’ayant pas rencontré celui qu’elle considérait de droit comme son gendre, ne craignit pas de souligner cette absence insolite :

— « Monsieur Larcher, » dit-elle, « présente donc M. René à une nouvelle comtesse tous les soirs, que nous ne le voyons plus jamais ici, ni chez nous d’ailleurs ? »

— « C’est vrai, » insista Fresneau, « on ne le voit plus. Où est-il allé ? »

— « Il s’est remis à son Savonarole, » répondit Émilie, « et il passe ses soirées à la bibliothèque. »

Le lendemain du jour où cette conversation avait été tenue, qui se trouvait être aussi le lendemain de la seconde visite chez Suzanne, la sœur fidèle entra chez son frère, dès le matin, pour tout lui rapporter. Elle le trouva qui préparait plusieurs feuilles d’un papier du Japon, dont elle lui avait fait présent autrefois. Il se proposait d’y copier, de son écriture la plus soignée, ceux de ses vers qu’il lirait à madame Moraines. La table était couverte de pages, noircies de lignes inégales. C’étaient ses poèmes, dont il avait déjà feuilleté la série. Émilie lui raconta son innocent mensonge, et il l’embrassa, tout joyeux, en disant :