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fit trembler une barre rouge sur le visage de l’actrice. René avait trop souvent assisté à des scènes de ce genre pour s’étonner de l’impudeur de son ami et de sa maîtresse. Il connaissait par expérience l’étrange cynisme de leurs mœurs, mais il se rappelait aussi la sortie terrible de Claude, la veille, et les cruautés de langage de Colette. Ce lui était une stupeur de constater une fois de plus les faiblesses avilissantes de l’écrivain et les inconséquences de cette fille qui, en ce moment, rougissait d’un visible désir. Il éprouvait en outre, dans l’atmosphère chaude de cette pièce où flottait le parfum employé par l’actrice, et devant ce groupe à demi impudique, une impression de sensualité qui lui était trop familière. Bien souvent déjà, les allées et venues de cette femme dépravée, mais d’une dépravation de grande courtisane, lui avaient donné la notion d’un amour physique, très différent de celui qu’il avait connu. Dans sa loge surtout, lorsqu’elle était devant sa glace, en train de faire son visage avec la patte de lièvre frottée de rouge, ses épaules nues et ses seins libres dans la chemisette de transparente batiste aux épaulettes ajourées, ou qu’elle glissait devant lui ses jambes fines dans des bas de soie rose, elle lui était apparue comme une créature tentatrice, capable de donner des baisers d’une saveur unique, et