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Du reste il ne peut échapper à la perspicacité de Votre Grandeur combien il est conforme à la nature du ministère ecclésiastique, lorsqu’on est obligé d’intervenir dans les affaires politiques, de le faire avec une telle modération que, tout en laissant au clergé la liberté d’action qui peut lui appartenir pour la défense de la religion et le bien-être social, on ne se fasse pas un instrument aveugle des partis.

J’aime à espérer que Votre Grandeur fera tout son possible pour apaiser les dissentions et ramener dans ce pays cette paix si nécessaire à la prospérité des diocèses et si capable de promouvoir le salut des âmes.

En attendant votre réponse je me souscris de tout cœur,

Votre très-affectionné serviteur,
ALEX. CARD. FRANCHI, Préfet.
(Contresigné)        J. B. AGNOZZI, Pro. S.

Rome, Propagande, 18 Mai 1876.


Les faits déposés dans cette Lettre sont graves sans doute et peuvent devenir sérieux et compromettants pour les Évêques et le Clergé qui se trouvent également concernés dans l’accusation portée à Rome relativement à l’intervention du Clergé dans les élections politiques. Le soussigné prend donc la respectueuse liberté de faire à V. E. les observations sur la Lettre qui vient d’être citée, et il les fait avec d’autant plus de confiance qu’il se trouvera sous peu déchargé de l’administration de son diocèse. Mais il ne s’intéresse pas moins à tout ce qui concerne son bonheur et sa prospérité. Voilà pourquoi, prévoyant que les rapports faits à la S. Cong. de la Propagande contre le Clergé vont occasionner dans cette province de grands troubles, il croit accomplir un devoir en informant l’autorité qui peut seule y apporter remède.

1o Son Éminence commence par exposer, dans sa lettre ci-dessus citée, que de toutes parts l’on fait à la Sacrée Congrégation des représentations, tendant à inculper le Clergé de son intervention dans les élections.

C’est là une accusation très-grave, portée devant la plus haute autorité qui soit au monde, contre tout le clergé de la Province de Québec, par des hommes qui peuvent être respectables dans le monde, mais dont les noms sont cachés. Il n’y a donc pas moyen de constater, par une accusation si vague et si dénuée de preuves, que ces représentations sont fondées en raisons.

Mais si ces documents, signés de leurs auteurs, avaient été envoyés à Mgr  l’Archevêque, avec injonction, de la part du Cardinal Préfet, de convoquer tous ses suffragants, pour examiner conjointement avec eux tous les chefs d’accusation, l’on serait sans doute arrivé à la connaissance des faits qui se sont passés tout dernièrement et pour ainsi dire sous nos yeux. On aurait par là acquis une conviction pleine et entière des délits, s’ils ont eu lieu.

Dans cette assemblée d’Évêques, on aurait, au nom du Saint-Siège, cherché à connaître si les règles des élections, faites par les Conciles Provinciaux et par l’Archevêque et les Évêques de la Province, ont été violées et transgressées.

De même, on aurait cité et entendu les accusateurs et pesé, à la balance du sanctuaire, la nature de leurs dépositions.