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Cette Voix paternelle, si aimée et si vénérée, a été comprise ici par les Évêques et par la grande majorité des prêtres et laïques, attachés aux vrais principes, professés et enseignés par la Chaire Apostolique. S’apercevant que ce dangereux ennemi cherchait à se glisser dans tous les rangs de la société et surtout dans les Chambres de la Législature, ils ont fait tout en leur pouvoir pour arrêter ce monstre affreux qui faisait des progrès alarmants.

Les paroles du Saint Père, qui stigmatisent en des termes si énergiques cette nouvelle erreur, ne permettant plus de tergiverser avec elle, on en a conclu que les candidats qui, dans les élections, se posaient comme libéraux, ne pouvaient pas recevoir les suffrages des catholiques. C’est ce qu’il faut tout naturellement conclure de la Lettre Pastorale collective des Évêques du 22 Septembre 1875, adressée à toute la province, et de plusieurs autres adressées par les Évêques particuliers à leurs Diocèses respectifs.

Guidés ainsi par les premiers pasteurs qui, eux-mêmes, ne faisaient que se conformer à la Voix du Souverain Pontife, les prêtres de la province, en observant d’ailleurs les règles particulières de la prudence, dont on leur fait un devoir, ont réussi à empêcher un bon nombre de libéraux d’entrer dans les Chambres Législatives.

À l’aide de quelques amis qu’ils comptent dans le clergé, ces libéraux, frustrés dans leurs espérances, après s’être portés à toutes sortes d’injures pour intimider les prêtres, ont enfin compris qu’il fallait user de ruse pour empêcher les pasteurs de faire entendre leurs voix durant les élections. Car ils savent très-bien qu’ils seront maîtres du champ de bataille, si les électeurs ne sont plus dirigés par eux d’une manière efficace. Dans cette vue, ils se sont adressés à la S. Congrégation pour se plaindre du Clergé et lui imputer, sans de justes raisons, une conduite préjudiciable et nuisible aux intérêts de l’Église.

Les Évêques viennent d’être informés de cette trame ourdie contre eux et leur Clergé, par une Lettre de Son Éminence le Card. Préfet à S. G. Mgr l’Arch. de Québec, en date du 18 Mai dernier, dont copie a été adressée à chacun des suffragants. Cette Lettre étant écrite en Italien, on en donne ici la traduction, pour que chacun puisse en vérifier par lui-même la fidélité.


No 5 COPIE.


Illustrissime et Révérendissime Seigneur,

De différents côtés il arrive à cette Sainte Congrégation des représentations sur ce qui se passe aujourd’hui dans ces Provinces relativement à l’intervention du clergé dans les élections politiques.

La gravité des faits qui se succèdent et les conséquences funestes que l’excitation des esprits fera nécessairement rejaillir sur l’Église au Canada (où les catholiques étant en nombre assez inférieur aux Protestants constitueront toujours une petite partie de la représentation politique au Parlement fédéral) réclame tout naturellement mon attention et exige qu’on y porte un remède efficace et prompt. Par conséquent, quoique la haute autorité des remontrances susdites et les nombreux documents dont elles sont appuyées ne laissent aucun doute sur la vérité de l’exposé, néanmoins, je m’adresse à Votre Grandeur pour avoir des informations exactes à ce sujet, surtout pour apprendre de vous quels moyens de prudence votre sagesse suggère pour éloigner les difficultés qui se sont présentées.