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Le rapport de l’Archevêque paralysait donc les opérations que faisait son suffragant, qu’il devait tout naturellement encourager par tous les moyens en son pouvoir. Sans doute que si ce suffragant eût été en défaut, c’aurait été chez lui une prévarication que de le favoriser. Mais l’on va voir que ce n’était nullement le cas.

Car, ce décret était à peine arrivé à Montréal, que le gouvernement fit un acte public et authentique, qui reconnaissait l’existence de ces paroisses canoniques, avec les droits que des personnes mal intentionnées leur contestaient, tout exprès pour empêcher le démembrement.

La Sacrée Congrégation, assurée par cet acte qu’elle avait été induite en erreur, émit un nouveau décret, en date du 13 Mars 1873, pour déclarer que ces paroisses devaient être considérées, non comme succursales, mais comme des paroisses proprement dites. Notre gouvernement a continué de se montrer juste à l’égard du droit qu’a l’Évêque de démembrer la dite paroisse de Notre-Dame. Car à l’heure qu’il est, il reconnait pour les effets civils les onze paroisses que l’Évêque a érigées, dans l’enceinte de l’immense territoire qui formait, jusqu’à il y a onze ans, cette seule et unique paroisse de Notre-Dame.

Par ce nouveau décret, le Saint-Siège se montrait, comme toujours, juste et impartial. Mais il n’est pas moins vrai qu’il se trouvait en quelque sorte compromis, en revenant si vite sur ses pas. Mais la faute n’en rejaillissait-elle pas sur le député Apostolique, qui s’était si étrangement mépris, en se laissant si facilement tromper par ceux qui l’avaient circonvenu et dont il favorisait si imprudemment l’insubordination à leur Évêque. Il pouvait être de bonne foi sans doute, mais il n’est pas moins vrai qu’il manqua, dans cette circonstance importante, gravement aux règles ordinaires de la prudence et de la sagesse.

4o L’Archevêque n’a pas non plus fait preuve de sagesse, en s’opposant par lui-même et par son Grand-Vicaire, à la passation d’une loi, qui reconnaissait le droit qu’a l’Église, dans ce pays, d’ériger de vraies paroisses. Cette opposition prouvait clairement qu’il ne voulait pas avoir le démenti de la déclaration du contraire qu’il avait faite à la Sacrée Congrégation. Cependant la déclaration d’un tel droit était un triomphe pour la liberté de l’Église, dans notre heureux pays. Mgr  le G. V. Cazeau, interrogé par le soussigné, pourquoi il faisait une telle opposition, qui était si peu fondée en raison, répondit qu’il suivait les ordres de l’Archevêque.

5o L’Archevêque n’a pas non plus fait preuve de sagesse, en admettant, sans y être autorisé par le droit, des appels contre les actes administratifs du soussigné, sachant bien toutes les injustes tracasseries dont il était l’objet, à cause du démembrement de la paroisse de Notre-Dame et de quelques autres mesures importantes qui n’avaient d’autre but que le bien de la religion. Tous ces appels, sans fondement, n’ont eu d’autres résultats que d’entretenir chez quelques mécontents un moment d’excitation. Un de ces appels ayant été porté à Rome, on n’y a eu aucun égard ; et l’on a même fait connaitre assez clairement que si l’on voulait poursuivre l’affaire, l’Archevêque ne serait pas soutenu et n’aurait pas gain de cause. Il ne s’est pas de même montré prudent, en faisant connaître publiquement et sans aucune nécessité, que le soussigné avait à comparaître devant son tribunal, afin de l’humilier davantage.

6o L’Archevêque n’a pas encore fait preuve de sagesse, en cherchant à embarrasser le soussigné, dans des mesures importantes, et en envoyant à Rome des dépêches télégraphiques qui ne disant pas tout et parlant seules prévenaient les esprits et produisaient ainsi de mauvais