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Quatre mois s’étaient écoulés depuis le jour où Brissonnet avait ainsi risqué sa vie pour préserver celle de la petite Charlotte Liébaut, sous les yeux tour à tour épouvantés et follement attendris de la mère et où celle-ci avait rougi ses doigts délicats du sang échappé de la blessure. Il avait dû garder le lit deux semaines. Mme Liébaut étant partie de Ragatz six jours après ce sauvetage, sans l’avoir revu, l’idylle ébauchée sous les arbres des quinconces du parc n’avait pas eu d’autres scènes. La dernière avait suffi pour qu’en s’en allant de la petite ville suisse, Madeleine emportât dans sa mémoire une image de l’officier plus profondément gravée que si leurs rencontres se fussent renouvelées et prolongées durant des semaines, voire des années. En toute autre occurrence, sa vertu se fût alarmée de tant penser à un étranger ; le prétexte de la reconnaissance maternelle lui permettait de nourrir une suprême illusion sur la nature de ce souvenir. Aussi ne s’était-ce le fait aucun scrupule, réinstallée à Paris, de suivre le projet conçu dès le premier soir, quand le hasard les avait mises, elle et sa sœur, Mme de Méris, en présence