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par lequel Brissonnet l’accueillit lorsque, revenu à lui, dans la pharmacie où on l’avait transporté, il la vit penchée sur cette couchette improvisée. Ne pouvant rien lui exprimer de l’émotion qui le poignait, il souleva son bras valide et caressa les cheveux de la petite fille, debout, elle aussi, auprès de son sauveur. Celle-ci eut un élan d’effusion et l’embrassa sans prendre garde au sang dont il était inondé :

– « Vous allez tacher votre robe, mademoiselle, » dit l’officier sur un ton de plaisanterie douce : « Votre maman vous grondera… »

– « En attendant… » dit Favelles, « il faut penser à vous ramener à Ragatz, afin que l’on vous remette votre bras comme il faut. Vous vous en servez trop bien pour qu’on ne tienne pas à vous le garder intact… Mais vous-même, madame Liébaut, qu’avez-vous ?… »

Madeleine venait, en effet, de pâlir et de s’appuyer au mur. Elle dit : « Ce n’est rien ; c’est la réaction de la terreur… » Et comme elle s’était assise et que l’enfant s’était maintenant approchée d’elle, un geste qu’elle fit lui mit aux doigts un peu de ce sang de Brissonnet dont les vêtements de la petite fille étaient tachés, et l’officier, qui vit cela, dut baisser ses paupières, comme s’il ne pouvait pas supporter ce symbole vivant de son amour…