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marché, durant les montées, à plusieurs reprises, pour cueillir dans les bois une gerbe de fleurs, demanda qu’on lui permît de demeurer dans la voiture. Le cocher dit qu’il ferait aller et venir les chevaux dans la grande rue du village, à cause des mouches et pour qu’ils ne s’énervassent point. Les trois visiteurs étaient depuis cinq minutes peut-être dans la boutique à examiner les quelques objets plus ou moins truqués qui justifiaient l’audacieuse inscription de la devanture : À l’Art Helvétique… Tout d’un coup des cris perçants venus du dehors les contraignirent de relever la tête. Avec cette rapidité du geste qui décèle l’habitude de l’action, Brissonnet avait marché jusqu’au seuil. Mme Liébaut et Favelles le virent, avec une surprise qui se changea bien vite en épouvante, s’élancer au dehors. Ils regardèrent eux-mêmes sur la place et ils aperçurent une automobile qui s’enfuyait à toute vapeur d’un côté, et, de l’autre, arrivant à fond de train, du haut de la rue, le landau où était la petite fille. Le cocher, littéralement couché en arrière sur son siège, tirait avec un effort désespéré sur les guides. Il essayait en vain de retenir les deux chevaux que le passage de l’automobile tout près d’eux avait affolés et qui s’étaient cabrés d’abord, puis emportés. Ils enlevaient la voiture sur les pavés dans ce galop effréné. La petite Charlotte se tenait sur les coussins, paralysée d’épouvante. Mais déjà un