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étrangères à leurs secrètes impressions. Rien dans ces récits ne pouvait toucher aux susceptibilités déjà trop vives de la passion naissante du jeune homme, rien réveiller les prudences endormies de la jeune femme. Cet ensemble de circonstances avait donc rendu cette excursion parfaitement heureuse pour les quatre personnes que le landau voiturait le long de ces pentes douces ; quand, à une demi-heure peut-être du retour, se produisit l’épisode auquel il a été fait allusion. Ce fut simple, rapide et terrible, comme il arrive quand éclate un de ces accidents, toujours possibles et jamais prévus, qui nous menacent tous à toute minute dans les moindres actions de notre vie ; et nous en demeurons aussi effarés que si nous n’avions jamais compris, suivant un mot bien philosophique dans sa fantaisie, « combien il est dangereux d’être homme »

La voiture devait, je l’ai déjà dit, pour gagner le Rhin, puis Ragatz, traverser la paisible petite ville grisonne de Maienfeld avec ses larges maisons aux toits joliment creusés, ses jardins en terrasses, la luxuriance de ses vergers. Le baron Favelles connaissait là un magasin d’antiquités devant lequel il fit arrêter le landau. Mme Liébaut consentit à descendre, sur l’instante prière du vaniteux, qui brûlait de compléter ses triomphes de l’après-midi en étalant ses connaissances de bric-à-brac. Brissonnet suivit. La petite fille qui avait