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On ne peut pas se manquer les uns les autres dans cette cuvette qu’est Ragatz… Je crois m’apercevoir qu’il vous a déçue. Je lui ferai prendre sa revanche… »

La psychologie de l’ancien sous-préfet avait sans doute été plus pénétrante, quand il travaillait pour son propre compte. Sans quoi il n’eût assurément pas mérité la note flatteuse trouvée dans l’armoire secrète des Tuileries. Ce départ subit du commandant était précisément le contraire de cette maladresse déplorée par le présentateur. Durant les toutes premières minutes, le plaisir de trouver l’énigmatique personnage de la gare et du restaurant si pareil à son imagination avaient enhardi la timide Madeleine, mais déjà elle commençait à se reprocher une familiarité trop hâtive avec un nouveau venu qui pouvait la mal juger. Cette fuite inopinée calma aussitôt ce léger frisson de scrupule. Elle recommença de se livrer au songe caressé la veille et le matin, d’autant plus librement qu’après sa lettre si franche à son mari, elle ne gardait aucune arrière-pensée. Comment l’idée lui fût-elle venue qu’un sentiment personnel se mélangeât à un dessein si désintéressé : un mariage à ménager peut-être entre l’officier glorieux et malheureux, d’une part, et de l’autre, sa sœur malheureuse elle aussi, dans sa richesse et avec son nom ? Un seul point troublait la conscience de la prudente bourgeoise