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L’indiscrétion de Favelles lui en fournissait le prétexte. Elle répondit donc :

– « C’est vrai, j’aurais été bien au regret, comme toute vraie Française, d’avoir passé aussi près d’un des compagnons du colonel Marchand, sans lui avoir dit combien tous les miens et moi-même avons admiré le courage des soldats de Fachoda et aussi combien nous les avons plaints… »

Le commandant l’avait regardée, tandis qu’elle parlait, sans timidité cette fois. Elle put lire dans ces prunelles sombres une reconnaissance et une pudeur. Pareil sur ce point à son noble chef, Brissonnet n'aimait guère à parader dans la tristesse de sa vie actuelle avec les fortes actions de sa vie passée. D’ordinaire, on était sûr de le mécontenter en l’interrogeant sur le cruel épisode auquel s’associe le nom du village africain que les Anglais viennent de débaptiser, par respect pour la poignée de braves, ramassés là devant le Sirdar victorieux. Il devina qu’aucune curiosité mesquine ne se dissimulait derrière ces quelques mots de Mme Liébaut, et qu’ils exprimaient un sentiment sincère. Il répondit avec une simplicité pareille, d’une voix qui avait un charme très particulier, – elle était très mâle et très douce, extrêmement ferme dans les notes hautes et caressante dans les notes profondes :

– « Ce n’est pas là-bas que nous avons été à