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répandu sur lui. Son regard, qui vous poursuivait d’une obsession, quand vous l’aviez une fois croisé, l’éclairait tout entier. Mme Liébaut n’eût pas plus tôt rencontré de nouveau ces yeux d’une si extraordinaire puissance d’expression, qu’elle éprouva, comme la veille, un intime sursaut d’obscure timidité. Elle regretta presque d’avoir pris ce chemin. Ses doigts nerveux caressèrent – pourquoi ? Était-ce contenance ? Était-ce appréhension d’un danger ? – les boucles de sa fille, qui leva son joli visage avec un sourire pour lui dire :

– « Maman, voici M. Favelles avec un autre monsieur. Comme il a l’air malade, celui-là ! Et comme ses yeux brillent… »

– « C’est sans doute un voyageur et qui aura pris les fièvres dans des climats tropicaux… » – répondit la mère. Elle avait à peine achevé cette phrase, toute vague et où sa fillette ne pouvait pas deviner qu’elle connaissait parfaitement l’énigmatique personnage ; déjà les deux hommes débuchaient de l’allée, le baron rutilant de l’orgueil d’un cornac qui produit son éléphant, et le cornaqué, tout nerveux, tout contracté, aussi passionnément désireux d’être ailleurs que la jeune femme à qui le présentateur disait :

– « Hé bien ! chère amie, le commandant Brissonnet n’est pas parti… Vous regrettiez son départ. Je l’ai retenu, et je vous l’amène… »