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Il n’y a pas de danger…, » se répondit-elle en haussant ses fines épaules…, « il n’aura pas de peine à constater que mes affections sont prises, bien prises, que j’aime mon mari de tout mon cœur… Il saura vite qu’il n’y a pas d’espoir. Alors, quand il se retrouvera vis-à-vis de ma sœur, c’est moi qu’il reverra en elle… Il se sera épris de l’aînée à travers la cadette… Mon Dieu ! Agathe a raison, je vois toujours tout en beau. Je suppose aussitôt qu’il aime une de nous ! Sais-je seulement s’il n’a pas un attachement déjà ? Cette lettre qu’il allait jeter au train, avec la crainte évidente de manquer la dernière poste, ne l’adressait-il pas à une femme ?… Bah ! Même en ce cas, il ne s’agirait point d’un sentiment bien sérieux. Il ne se serait pas arrêté ainsi, à la vue d’Agathe, s’il avait au cœur un vrai amour… Après dix minutes de conversation, d’ailleurs, je saurai à quoi m’en tenir. Un homme qui n’est pas libre, ça se reconnaît si vite !… Mais sera-t-il encore là demain ?… Pourvu qu’il y soit ! Dire que dans deux ou trois mois, ma sœur pourrait être sur le point de refaire sa vie avec lui et que ce petit retard de l’express de Paris en aurait été la cause… Que ce serait amusant tout de même, si sa vie s’arrangeait ainsi et pour ce motif !… Mais je suis folle. Allons dormir… »