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préméditée. Elle savait que, l’ayant reconnue, il n’avait plus pensé qu’à l’éviter, bien loin d’essayer de s’imposer. Elle savait enfin que ce masque jugé par elle au premier regard si intéressant ne mentait pas. Elle avait comme porté un défi au hasard par son « tout arrive « de la gare, et le hasard avait répondu en les mettant, sa sœur et elle, en rapport avec un de ces hommes tels que l’imagination féminine rêvera toujours d’en rencontrer. À la suite de ces diverses découvertes, le plan de sa volonté devait être déplacé du coup. Il l’était si bien qu’au lieu de quitter le baron Favelles, comme elle l’eût certainement fait en toute autre circonstance, pour regagner vite son appartement et causer avec sa petite fille encore éveillée, elle s’attardait dans les allées du parc à écouter les interminables commentaires du baron sur les aventures sénégalaises de l’explorateur. Avant de prendre part à l’expédition Marchand, Brissonnet, alors simple sous-lieutenant, n’a-t-il pas exécuté, dans la région saharienne, une des plus audacieuses reconnaissances que les annales de notre armée d’Afrique, si riches en exploits pareils, puissent mentionner ? L’ancien sous-préfet, ravi d’être écouté complaisamment par la plus jolie des Parisiennes exilées à Ragatz, oubliait l’humidité du soir, interdite de la façon la plus sévère à ses rhumatismes. Il ne remarquait pas le mince et perfide brouillard qui, monté du Rhin,