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d’étonnant que Mme Liébaut sût le nom du brillant officier et ses faits d’armes. Favelles aurait préféré lui apprendre le tout pour placer un récit dont il ne lui fit d’ailleurs pas complètement grâce :

– « Oui, » répéta-t-il, « le compagnon du colonel Marchand, le Brissonnet qui, avec cinq cents tirailleurs, a tenu tête à cinq mille nègres. Ne pouvant plus marcher, il faisait le coup de feu par-dessus les épaules de ses porteurs fanatisés… Mais vous avez lu les pages que le colonel lui a consacrées… Après trois ans, Brissonnet ne s’est pas remis de ses fatigues, et la Faculté l’a expédié ici, où il est arrivé hier matin… Il est descendu dans un très petit hôtel. L’héroïsme ne mène pas à la fortune, vous savez… J’avais eu l’occasion de le connaître, quand je faisais partie du Comité de l’Afrique centrale. J’avais été très intéressé par deux ou trois de ses communications. Après ma douche, je me promenais dans le parc, je me heurte à lui… Je l’invite à dîner, un peu avec l’idée de vous le présenter. On n’est pas gâté à Ragatz, comme distractions, et j’étais très sûr que vous auriez du plaisir à l’entendre raconter ses aventures… Et puis, ne voilà-t-il pas que ce malheureux est saisi, au milieu du dîner, d’une névralgie atroce… Ça l’a pris tout d’un coup, comme vous veniez d’entrer, justement. Quelle guigne ! Il faut que ç’ait été bien grave, car je vous avoue