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pour la remarquer, car il l’a remarquée. Elle a eu beau dire : ce n’était pas moi qu’il regardait, ni nous. C’était elle… Mais qui est-il ? Peut-être un baigneur arrivé d’hier ou de ce matin, et alors le hasard est plus étonnant encore… Je le saurai, cela m’amusera, et aussi jusqu’à quel point il est vraiment ce « monsieur deux fois mal élevé » Il n’en a pas l’air, mais pas du tout, en ce moment. Je parierais à son attitude qu’il est gêné que Favelles lui parle de moi devant moi… » En songeant, elle étudiait les deux hommes dans la grande glace qui servait de panneau au mur contre lequel s’appuyait sa petite table. Le Beau du second Empire avait cette mine importante de l’initié qui étale à un nouveau venu sa science de la Société. Son interlocuteur et lui ne tournaient plus les yeux du côté de Mme Liébaut. Celle-ci était pourtant si certaine d’être l’unique objet de leur entretien qu’elle se disait encore : « Le baron va me le présenter, ou il ne serait pas le baron, tout à l’heure sans doute, dans la galerie. » Les habitués de l’hôtel se rencontraient en effet, comme d’un accord tacite, après chaque déjeuner et chaque dîner, dans un long promenoir couvert, où les uns restaient assis en fumant et prenant le café, tandis que les autres marchaient les cent pas. Les arbres du parc verdoyaient autour de cet étroit salon en plein air. Des plantes grimpantes paraient les pelouses de