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il était tout, excepté cela… J’ai rarement vu une physionomie plus intéressante. On entend pourtant parler de rencontres aux eaux qui ont changé tout le sort d’une femme… Ce ne sera pas cette rencontre-ci, puisque Agathe est loin maintenant… »

Tout en devisant de la sorte avec elle-même, la jolie monologueuse était entrée dans la vaste salle où, deux fois par jour, se réunissaient, les uns autour de la grande table centrale, les autres à des tables indépendantes, les innombrables hôtes de ce caravansérail cosmopolite, attirés par « les naïades bienfaisantes de ces sources », aurait dit un poète antique. Mme Liébaut avait sa place fixée à une petite table entre deux fenêtres. Elle la gagnait, comme d’habitude, saluée par les quelques personnes avec qui elle avait lié connaissance. Elle répondait par un léger signe de tète et ce sourire qu’elle avait si naturellement. Tout d’un coup ce sourire s’arrêta sur ses lèvres, et elle se sentît rougir comme avait rougi sa sœur à la gare. À une table voisine de celle où son couvert mis l’attendait, elle venait d’apercevoir la silhouette de l’inconnu dont la rencontre sur le quai, à la minute du départ, avait provoqué les derniers propos échangés avec Agathe. C’était bien lui, et cette physionomie, trop intéressante en effet pour être oubliée. De son côté, il avait aperçu Mme Liébaut avant même