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avec l’épuisement des citadins, traité d’ordinaire à Ragatz. Sa physionomie militaire suggérait l’idée de quelque campagne lointaine, d’énormes fatigues supportées dans des climats meurtriers. Il tenait une lettre à la main qu’il venait, ayant manqué l’heure du courrier, jeter à la boîte du train. Et puis, la rencontre des deux femmes l’avait, pour une seconde, arrêté dans une contemplation dont il sentit lui-même l’inconvenance, car il rougit de son côté, sous son hâle, et il marcha vers le wagon de la poste, d’un pas hâtif, sans plus se retourner, tandis que la cadette disait plaisamment à l’aînée :

– « Avoue que, parmi les rhumatisants et les neurasthéniques de ces eaux, on rencontre aussi des figures de héros de roman. »

– « Tu veux dire de messieurs pas très bien élevés, » répondit Agathe.

– « Parce que celui-là te regardait dans un moment où il croyait que tu ne le voyais pas ? … » fit Madeleine. « La manière dont il a rougi, quand nous l’avons surpris, prouve qu’il n’a pas l’habitude de ces mauvaises façons. »

– « Pourquoi prétends-tu que c’était moi qu’il regardait ? … » interrogea Mme de Méris… « c’était toi. »

– « C’était toi… » reprit Mme Liébaut en riant ; « moi, il ne pouvait pas me voir. »

– « Mettons que c’était nous », répondit Agathe.