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auprès de sa maîtresse. D’une main elle tenait le nécessaire, de l’autre le paquet de châles. La rumeur des wagons roulant plus doucement avant l’arrêt définitif couvrait à peine l’éclat des voix s’interpellant à présent autour des deux sœurs qui marchaient le long du convoi. Elles ne pensaient plus qu’à découvrir le numéro du compartiment réservé à la voyageuse. Quand il fut trouvé et Agathe installée parmi les innombrables objets dont s’encombre inutilement et élégamment toute femme qui se respecte : minuscules coussins pour le dos, minuscule sac de cuir pour le livre et les flacons d’odeurs, minuscule pendule pour y mesurer la longueur du temps, – et ainsi du reste ! – elle s’accouda quelques instants à la fenêtre ouverte de la portière, pour échanger un dernier adieu avec Madeleine. Elles faisaient toutes deux à cet instant un groupe d’une exquise beauté, tournant l’une vers l’autre leurs visages si semblables de traits, se regardant avec des prunelles de nouveau si pareilles, avec la grâce jumelle de leur sourire. Comme à travers toutes sortes de complications de la part de l’aînée et toutes sortes de délicats pardons de la part de la cadette elles se chérissaient véritablement, une émotion identique les possédait, qui augmentait la similitude de leurs physionomies. Elles se trouvaient l’une et l’autre sous la lumière du soleil déjà très baissé qui dorait de reflets plus chauds la soie de leurs