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as toujours accepté, tu accepteras toujours ta vie quelle qu’elle soit. Moi j’ai voulu choisir la mienne. Cela ne m’a pas réussi. Peut-être y a-t-il plus de noblesse dans certains malheurs que dans certains bonheurs… Et puis on ne se refait point. Je ne me remarierai pas pour me remarier, mets-toi cette idée dans la tête, une fois pour toutes. Je me remarierai, si je me remarie, quand je croirai avoir rencontré quelqu’un que je puisse, – je reprends ta phrase, – aimer, oui, aimer, mais vraiment, mais absolument. Va ! Les querelles de ménage de Clotilde et de Julien ne m’empêcheraient pas d’épouser ce quelqu’un qui m’eût pris le cœur, si je l’avais rencontré. Mais tes exhortations ne me feront pas non plus changer mon existence, pour la changer. Elle a ses heures de cruelle solitude, c’est vrai, cette existence. Elle n’a pas de très doux souvenirs auxquels se rattacher. C’est mon existence à moi, telle que je l’ai voulue, et sa fierté me suffit… » – « Tu te fais plus forte que tu n’es, heureusement, » répondit l’autre. « Si tu pensais réellement ce que tu dis, tu ne serais qu’une orgueilleuse, et tu ne l’es pas. Je te répète que tu es une femme, une vraie femme, et si tendre ! Tu t’en défends, mais on ne trompe pas sa petite sœur quand on est sa grande… Autorise-moi seulement à te le chercher, ce quelqu’un qui te prendrait le cœur ? … Et je le trouverai. »