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de sa sœur, « je n’en redouterais pas moins ton séjour chez eux. Pour une cause ou pour une autre, les Fugré sont un mauvais ménage. Ce n’est pas dans leur compagnie que tu prendras l’idée de te remarier… »

– « De me remarier ? … » fit Agathe, et elle eut de nouveau un de ces sourires dont l’expression rendait soudain son visage si différent de celui de l’autre. Un léger tremblement agitait dans ces moments-là ses lèvres qui se creusaient davantage sur le côté droit, et cette inégalité eût défiguré une physionomie moins jolie que la sienne. « Tu n’as donc pas encore quitté cette idée-là ? » continua-t-elle. « Tu trouves que je n’en ai pas assez de ma première expérience ? »

– « Je trouve que tu tires d’un hasard très particulier des conclusions générales qui ne sont pas justes, » répondit tendrement Madeleine. « Tu es mal tombée une première fois. Ce devrait être un motif pour essayer de bien tomber une seconde. Tu étais si jeune quand tu as épousé Raoul ! Tu as été prise par ses manières, par son élégance. C’était bien naturel aussi que tu fusses attirée par le monde où il allait t’introduire… »

– « Dis-moi tout de suite que je me suis mariée par vanité, puisque ton mari et toi vous l’avez toujours pensé, » dit Agathe.

– « Jamais nous n’avons pensé cela, » répondit, vivement cette fois, Mme Liébaut. « Il n’y a