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dans toute la petite société qui évolue autour des deux sœurs, et deux versions sont en train de prévaloir. La première est celle de Mme Éthorel qui a débité, sous le sceau du secret, cette confidence à vingt intimes :

– « Imaginez-vous la gaffe que j’ai faite !… C’est moi qui suis allée raconter à Mme Liébaut que Brissonnet compromettait Mme de Méris. Les deux sœurs aimaient le même homme !… Oh ! je ne crois pas qu’il se soit jamais rien passé. D’ailleurs, je n’y étais pas… Ce qu’il y a de certain, c’est qu’elles ont dû avoir une terrible explication. Il a quitté Paris quarante-huit heures après que j’avais été servir ce ragot à Madeleine. Où avais-je la tête ?… Elles en ont fait toutes deux une maladie. Elles ne se quittent plus maintenant, pour empêcher les potins… C’est un peu cousu de fil blanc, ces finesses-là !… »

L’autre légende est celle que propage Favelles, en clignant de la manière la plus scélérate son vieil œil presbyte, tout bordé de rouge.

– « Les jeunes gens d’aujourd’hui n’ont vraiment pas d’estomac… Ce Brissonnet, je le présente à deux sœurs, deux femmes charmantes. Il leur fait la cour à toutes deux, en se cachant de l’une et de l’autre. Elles découvrent le pot aux roses, et voilà mon gaillard qui se sauve au Tonkin, comme s’il avait commis un crime. De mon temps, monsieur, quand on