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spéculateur s’était manifestée si vivement avant cette ruine, que l’orgueil blessé de celui-ci avait empêché toute réconciliation après le désastre. Mme de Méris, à ce sujet, avait assez vivement blâmé son beau-frère. Madeleine sentit le rappel de ce blâme qui, à l’époque, l’avait déjà froissée. La préoccupation qu’elle avait de l’avenir de sa sœur et son besoin de l’en entretenir, si peu que ce fût, avant son départ, la fit passer outre :

– « Si Clotilde n’est pas heureuse, tu avoueras que c’est bien sa faute, » avait-elle riposté en hochant doucement la tête, « les torts de son mari se réduisent à aimer trop sa terre, ses chevaux, sa chasse et pas assez Paris. »

– « Tu sais aussi bien que moi ce qui en est, » reprit l’aînée sur un ton d’impatience. « Il est jaloux d’elle, ignoblement jaloux. Voilà la vérité. Je le répète : ignoblement. Il a imaginé ce moyen de la séquestrer, à vingt-cinq ans, à l’âge où une jeune femme a cependant le droit de s’épanouir, surtout quand elle est aussi vraiment honnête que Clotilde. C’est abominable… »

– « Pourquoi l’a-t-elle laissé devenir jaloux ? » demanda Madeleine. « Oui. Pourquoi ? … C’était si simple ! Quand elle a vu commencer cette maladie, car c’en est une, pourquoi n’a-t-elle pas cédé à Fugré sur tous les points où il s’irritait ? … D’ailleurs, elle aurait toutes les raisons et lui tous les torts, » rectifia-t-elle afin d’empêcher la protestation