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Leur conversation avait commencé par une petite phrase assez irréfléchie de Madeleine. Elle avait pensé tout haut et dit à son aînée, qui devait, de Ragatz, toucher seulement barre à Paris puis aller en Normandie chez une amie à elle que sa sœur n’aimait guère :

– « Tout de même je regrette deux fois de ne pas te garder. Mais oui. Pour t’avoir d’abord, et ne pas rester seule avec ma pauvre Charlotte… » – Cette allusion à sa petite fille pour la santé de laquelle elle était aux eaux mit une lueur triste dans ses yeux si gais… « Et aussi, pour que tu n’ailles pas chez les Fugré. »

– « Je n’ai pas l’habitude de négliger mes amies quand elles sont dans la peine, et toi-même, en y réfléchissant, tu ne m’en estimerais pas… » avait répondu Agathe d’un ton qui prouvait que l’antipathie de sa cadette pour Mme de Fugré ne lui échappait pas. D’ordinaire, devant des phrases pareilles et qui risquaient d’ouvrir entre les deux sœurs une discussion, Mme Liébaut se taisait. Cette réplique-ci enfermait une allusion à une difficulté récente que Madeleine et son mari avaient eue avec un des camarades de ce dernier. Ils s’étaient brouillés avec cet homme parce qu’il avait hasardé la fortune de sa femme et de ses enfants dans d’imprudentes opérations de Bourse. Cette fâcherie avait coïncidé avec sa ruine totale. L’indignation du médecin contre le