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l’attitude du jeune homme vis-à-vis d’elle depuis ces trois mois lui avait si souvent donné l’illusion qu’il l’aimait ! Elle s’était si complaisamment caressé le cœur à cette chimère ! Elle-même nourrissait pour lui un sentiment si vrai ! Cette hypothèse qu’il eût joué la comédie avec elle – et par passion pour sa cadette – lui déchirait toute l’âme. Et revenant à cette lettre qui lui avait annoncé l’échec de son plan d’espionnage : « Liébaut souffrait pourtant hier autant que moi. Il aime sa femme. Il est jaloux. Il peut savoir, et il ne veut pas savoir !… – Ah ! si j’étais lui ?… »

Ce « si j’étais lui ?… » était gros d’une tentation détestable, mais si attirante. Une nouvelle idée commençait de lever dans l’esprit d’Agathe de Méris… « La cachette est là… Si j’étais lui ?… Pourquoi ne pas prendre sa place, puisqu’il la déserte ?… » Elle se vit tapie derrière cette porte qui communiquait du cabinet du médecin au petit salon de Madeleine. Si sa cadette était loyale avec elle, quel tort lui ferait l’aînée en écoutant cette conversation ? Aucun. Si, au contraire, Madeleine la trahissait, n’avait-elle pas le droit d’acquérir, à tout prix, la preuve de cette trahison ? – Liébaut lui disait de venir vers trois heures. L’entretien avec Brissonnet était donc fixé, comme Madeleine l’avait dit, entre la fin du déjeuner et ce moment, vers deux heures… Agathe se surprit à regarder la pendule. Elle marquait un