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beau-frère. Elle en épelait toutes les syllabes, et elle les traduisait comme il arrive, dans le sens de sa rancune, avec cette irrésistible ardeur de suggestion que la jalousie trouve à son service. Elle raisonnait :

– « C’est Madeleine qui a dicté ces phrases. Je reconnais ses manières de s’exprimer, si insinuantes, si peu droites !… Elle a empêché Liébaut de venir me voir. Elle a craint ma perspicacité et aussi que je ne défisse son œuvre. Après ce qu’il appelle, lui, une explication, elle est avertie que je sais beaucoup de choses. A-t-elle vraiment compté que je serais sa dupe, sur la seule affirmation de ce pauvre François ?… Pourquoi non ? Si elle et Brissonnet s’entendent, depuis ces trois mois, pour nous trahir, Liébaut et moi, de cette infâme manière, ils doivent nous croire tous les deux aussi naïfs, aussi niais l’un que l’autre… Mais est-il possible qu’ils soient complices ?… Comment admettre que Brissonnet, un homme d’honneur, un héros, se soit prêté à une aussi vile, à une aussi honteuse manœuvre que celle qui aurait consisté à me faire la cour, au risque de troubler toute ma vie, sans m’aimer, et lié avec une autre ? Et quelle autre !… Non, ce n’est pas vrai ! Ce n’est pas vrai ! Il n’a pas fait cela !… »

Elle n’osait pas ajouter, même tout bas et pour elle seule : « Il ne m’a pas fait cela. » C’était là le point le plus profond et le plus sensible. Toute