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Si François Liébaut avait été complètement guéri par le pieux mensonge de Madeleine, comme il le disait et le croyait, il n’aurait pas éprouvé une angoisse à se poser cette question. Ces susceptibilités du cœur, de la nature de celle dont il avait tant souffert, tout imprécises et tout imaginatives, laissent derrière elles, chez celui qu’elles ont ravagé, une inquiétude étrangement morbide. Il se sent toujours au moment d’être repris par le doute, alors même qu il s’affirme sa tranquillité. Quel regard aurait Agathe pour accueillir la rétractation du mari jaloux de la veille, transformé si soudainement ? Quelles paroles trouverait-elle à prononcer, capables de réveiller la défiance exorcisée à cette minute ? Et si elle se taisait, ce calme signifierait-il qu’elle partageait la conviction de son interlocuteur ?…

– « Paroles ou silence, » finit par conclure le mari de Madeleine, en secouant sa tête pour chasser une appréhension qui allait devenir intolérable, « je n’en tiendrai pas plus compte que de ceci !… Il fit le geste de lancer dans le feu la plume d’oie avec laquelle il corrigeait son épreuve, et qui, appuyée trop fortement, par sa main soudain énervée, s’écachait sur le papier. « Mon devoir est absolu. Je dois à ma femme de réparer le tort que je lui ai fait. Je le réparerai, dès demain matin. Ma première visite, en sortant de l’hôpital, sera pour Agathe, je m’en donne ma parole d’honneur. »