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visite que j’ai eu la funeste idée de lui rendre est trop récente. Elle devinera que nous nous sommes expliqués, toi et moi… Elle pensera que tu as cédé à ma jalousie, à moi… Et ce que je veux qu’elle sache bien, c’est que cette jalousie n’existe plus. D’ailleurs, elle le saura… »

– « Tu as l’intention de lui reparler ?… » demanda Madeleine vivement, avec une véritable angoisse. Puis, se reprenant : « C’est vrai. Tu ne peux guère faire autrement, car maintenant elle te reparlera, elle, sans aucun doute… Mon Dieu ! Pourvu qu’elle ne te rejette pas dans ces chimères dont je viens de te voir tant souffrir !… Non, tu n’y retomberas pas… Tu as raison. Si nous avons cet entretien demain avec M. Brissonnet, nous en retirerons du moins cet avantage que ta folle jalousie n’aura plus de matière : ou bien il sera le fiancé de ma sœur ou bien il s’en ira… Ayons-le donc, cet entretien, et le plus vite possible… »

Il y eut un silence entre les deux époux. La jeune femme vit que l’ombre – dissipée à quel prix et avec quel broiement de son pauvre cœur ! – reparaissait dans les prunelles du médecin. Les jalousies sentimentales, comme celle qu’éprouvait ce mari si loyal d’une femme si loyale aussi, ont des détours presque impossibles à prévoir. Elles traversent les plus déconcertantes alternatives d’exigences maladivement despotiques