Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/169

Cette page n’a pas encore été corrigée

J’ai lutté contre ces idées. Je ne me suis pas reconnu le droit de t’en infliger le contre-coup… Cette semaine-ci, elles sont devenues trop pénibles. J’ai été incapable de les dominer. Je n’ai pas eu la force d’avoir une explication avec toi. Je l’ai eue avec Agathe… cette après-midi… il y a quelques heures… »

– « Tu lui as parlé comme tu viens de me parler ?… » s’écria Madeleine. Tu lui as dit ce que tu viens de me dire ?… »

– « Tout, » répondit Liébaut.

– « Ah ! » gémit-elle, « comment as-tu pu ?… Tu m’as aliéné son cœur pour toujours !… Mon ami ! Que m’as-tu fait ?… Comme tu as mal agi envers moi ! …Ah ! Je ne le méritais point !… »

Le médecin la vit trembler de tout son corps, en jetant ce cri où frémissait une révolte. Elle allait en dire davantage. Elle s’arrêta. L’idée de cet entretien que son mari avait eu avec sa sœur la bouleversait. Ce trouble n’était rien, à côté de l’épouvante dont l’avait remplie la première partie de cette confidence.

Par un instinct qui n’était pas une ruse, elle ne relevait dans ces déclarations de Liébaut qu’un seul point, celui où elle pût s’exprimer en pleine liberté sans avouer son secret. Elle tendit son énergie intérieure à cacher l’émotion dont l’accablait cette découverte de son mari, cette divination du sentiment qu’elle avait voulu dissimuler à tout prix, dont elle était décidée,