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deux heures, quand M. Brissonnet viendra… Je désire que tu le reçoives avec moi… Il me semble que ta présence augmentera la solennité de cet entretien, elle lui donnera le caractère familial qui la justifie… Enfin… » (et elle eut dans la voix un tremblement plus accusé encore) « toute seule, je me sentirais trop intimidée. Je ne trouverais pas bien mes phrases. Toi ici, près de moi, pour reprendre mes paroles au besoin, et les appuyer, j’aurai de la force… Ne me refuse pas d’assister à cette visite du commandant, mon ami ! C’est le plus grand service que tu puisses rendre à ma sœur, et, par conséquent, à moi… »

Il y avait, dans la simplicité avec laquelle l’épouse tentée, mais malgré elle, invoquait le secours de son mari à cette occasion, quelque chose de si délicat et de si loyal que celui-ci en demeura une minute sans répondre, tant il venait d’être touché à une place vive de son cœur. Lui qui, tout à l’heure, avait écouté les cruelles et flétrissantes insinuations de sa belle-sœur, lui qui avait accepté l’idée de se cacher là, derrière la porte du petit salon, pour épier cet entretien de Madeleine et Brissonnet, il éprouva un de ces sursauts de conscience qui ne peuvent se soulager que par l’entière franchise, et, brusquement, il se dressa debout devant sa femme, et lui saisissant les mains :