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elle a été sage. Elle a pensé que lui ayant présenté M. Brissonnet, j’étais une intermédiaire toute désignée et par ce petit fait et par ma qualité de sœur. Elle m’a donc demandé de voir le commandant. Elle veut que je l’avertisse des mauvais propos qui courent. C’est le mettre en demeure de se prononcer… J’ai accepté cette mission, si pénible qu’elle fût. J’ai écrit à M. Brîssonnet pour lui demander de venir ici demain à deux heures. La lettre n’est pas encore partie. Je n’ai pas voulu l’expédier avant que nous en eussions causé ensemble. »

– « Pourquoi ?… » interrogea le médecin. Il avait saisi dans l’accent de sa femme le frémissement d’une extrême émotion, mais contenue, mais domptée par une volonté que rien ne briserait. Son affectation à exposer le détail des faits sans commentaires, avec des soulignements voulus de chaque mot, en était la preuve. « Oui, pourquoi ? » insista-t-il, « je t’ai toujours laissée libre d’agir en toutes circonstances comme tu l’entends. Je te connais trop pour ne pas être sûr que tu ne te permettras jamais rien que je doive blâmer. »

– « Tu es très bon, je le sais, » lui répondit Madeleine. Elle répéta, en le regardant avec des yeux dont la détresse lui fit mal, « très bon… Aussi n’est-ce pas une permission que je voudrais obtenir de toi, ni même un conseil… Je voudrais te demander d’être là demain, si tu le peux, à