Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/161

Cette page n’a pas encore été corrigée

représentait par lui-même une épreuve expiatoire que le chef de famille ne devait pas accroître. Un revirement acheva de s’accomplir dans cet esprit généreux. « Pour eux, » se disait-il, après le dîner, en attirant, lui aussi, ses enfants contre sa poitrine, et leur caressant les cheveux du même geste que la mère. « Oui, pour eux, je dois ne pas laisser la honte d’une vilenie se glisser entre nous… Madeleine ne saura pas que j’ai souffert de cette mortelle jalousie… Si je me suis trompé en croyant qu’elle était troublée par les attentions d’un autre, ce n’est que justice que je me taise. Ce n’est que justice encore si je ne me suis pas trompé. Elle mérite ce silence, puisqu’elle a eu la force de se vaincre… Non. Jamais une mauvaise pensée ne lui est venue. Jamais, jamais… Non. Demain dans cette conversation qu’elle a promis à sa sœur d’avoir avec cet homme, elle ne dira pas un mot qu’elle ne doive pas dire, elle n’en entendra pas un qu’elle ne doive pas entendre… Non. Je ne me cacherai pas pour l’espionner, comme une coupable… Ce serait de ma part une infamie. Je ne la commettrai pas… Mais que va-t-elle me dire, à propos d’Agathe ? Si elle me parle de la visite de celle-ci aujourd’hui et de la démarche dont elle-même s’est chargée, lui mentirai-je ? Lui cacherai-je ma visite à moi chez sa sœur ?… Comment lui expliquer alors que je ne lui en aie pas parlé, aussitôt rentré ?… Ah ! pourquoi