Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/160

Cette page n’a pas encore été corrigée

des parents exerce sur eux une influence d’apaisement dont rien n’égale la puissance. Si Georges et Charlotte ne fussent pas entrés dans le petit salon, quelques minutes après que la mère avait prononcé cette phrase énigmatique : « J’ai justement te parler de ma sœur, » le père n’aurait certes pas eu la patience d’attendre davantage. Il eût pressé Madeleine de questions qui l’eussent froissée. Il s’y fût lui-même exaspéré. Ce cœur de femme se fût peut-être refermé. Au lieu de cela, quand les deux têtes blondes eurent apparu, et que le gentil babil de ces petits êtres eut commencé de remplir la chambre, les nerfs du mari soupçonneux se détendirent. L’acte auquel l’avaient décidé les conseils passionnés de sa belle-sœur, et sa propre souffrance, cet acte outrageant d’espionnage et de déloyauté lui devint du coup inexécutable. À voir les yeux clairs des enfants se fixer avec amour sur ceux de Madeleine, la main de la mère caresser ces boucles blondes, puis, à table, le rayonnement circulaire de la lampe suspendue éclairer ces trois visages, François Liébaut sentit qu’il n’avait pas le droit d’introduire dans son ménage des procédés de police. Cette femme, sa femme, méritait d’être respectée dans les arrière-fonds de sa vie intime. Elle y portait peut-être un douloureux secret ? Peut-être y soutenait-elle une lutte ? Ce combat caché – s’il se livrait dans cette conscience –