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d’abord : l’aînée était d’un doigt peut-être plus petite que la cadette. La masse des cheveux de celle-ci était plus opulente, sa taille plus forte, malgré sa jeunesse, son visage un rien plus potelé. On les regardait davantage et l’on constatait très vite une dissemblance plus essentielle, si radicale qu’une fois discernée, les analogies, les identités presque de ces deux êtres faisaient ressortir cette opposition davantage encore. On devinait que deux personnalités absolument contraires vivaient, sentaient, pensaient sous ces formes si pareilles. Une âme difficultueuse, compliquée et mécontente se dissimulait derrière le regard des prunelles bleues d’Agathe, aussi fermées que celles de Madeleine étaient ouvertes, caressantes et gaies. Une défiance de nature, plus aisée à sentir qu’à bien définir, crispait chez l’aînée le pli du sourire au lieu que la cadette si avenante, si indulgente, créait partout autour d’elle cette atmosphère de bonhomie fine qui fait de la seule présence de certaines femmes une douceur dont on est tenté de les remercier. Leurs façons de s’habiller ne révélaient pas moins clairement la nuance de leurs caractères. Elles étaient, l’une et l’autre, mises avec l’élégance des Parisiennes riches d’aujourd’hui. Quelques mots résumeront ce qu’il faut bien appeler leur histoire sociale. – Nous en avons tous une, dans ces temps d’ascension hâtive, et cette histoire domine souvent