Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/159

Cette page n’a pas encore été corrigée


– « Hé bien ? » interrogea-t-elle, comme il se taisait.

– « Hé bien : je ne dis pas non… Tu as donc grande envie de quitter Paris ? » osa-t-il ajouter. « Tu n’y regretteras rien, ni personne, pas même ta sœur ? »

– « Oh ! ma sœur !… » fit-elle, comme si elle allait entrer dans la voie d’une confidence. Puis s’interrompant : « Les enfants vont descendre, » continua-t-elle, « nous ne serons plus seuls. J’ai justement à te parler de ma sœur et très sérieusement. Mais ce que j’ai à te dire exige que nous ayons du temps… »

Le petit garçon et la petite fille avaient l’habitude de dîner à table avec leurs parents, lorsque ceux-ci restaient à la maison. Malgré leur belle situation de fortune, les Liébaut conservaient ces vieilles mœurs de la bourgeoisie française, qui tendent à disparaître des milieux élégants pour céder à la coutume venue d’Angleterre : la relégation des enfants dans la nursery. Peut-être ce nouveau système, en séparant plus complètement les petites personnes des grandes, a-t-il de réels avantages d’éducation. En revanche, il n’est guère favorable à cette cordialité du foyer qui fut si longtemps le charme de notre vie de famille, et, surtout, il supprime le plus grand bienfait peut-être du mariage fécond. À de certaines heures, la présence d’un fils ou d’une fille entre