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– « Quand j’aurai fini mon nouveau mémoire, je me reposerai… »

– « Je te connais, » répliqua-t-elle en hochant la tête, « et je connais le genre de tes recherches. Toi et tes unis, je vous ai trop souvent entendus dire qu’en médecine tout tient à tout. Chaque mémoire en amène un autre, et ainsi de suite, indéfiniment… Sais-tu ce qui serait raisonnable ? Voici l’hiver. Charlotte et Georges sont un peu pâlots. Malgré Ragatz, j’ai toujours peur pour elle d’une reprise de ses rhumatismes. Moi-même, je suis fatiguée. Ce froid m’éprouve. Nous devrions tous aller passer quelques mois au soleil, à Hyères, à Cannes, à Nice, ou en Italie ? »

Elle avait eu, pour formuler cette proposition de départ en famille, une prière dans ses yeux, presque suppliante et tout angoissée. Elle voulait partir ! Pourquoi ? Mais pour fuir celui qu’elle s’était défendu d’aimer et qu’elle aimait. Cette nouvelle évidence des troubles de conscience que traversait sa femme rendit au mari jaloux la frénésie de cette anxiété qui l’avait conduit chez Agathe, la poursuite de la vérité. Il répondit, cédant en apparence à la fantaisie de Madeleine :

– « Tu as peut-être raison. Ce voyage me tenterait beaucoup en principe, et, si ce n’est pas chez toi une idée en l’air… »