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Elle avait été, en effet, comme réveillée en sursaut du songe où elle était tombée depuis le moment où sa sœur d’abord, puis Mme Éthorel l’avaient quittée. Elle avait condamné sa porte et elle était demeurée, les coudes sur les genoux, la tête dans les mains, à regarder le feu consumer d’une flamme lente les bûches de la cheminée, et à se débattre parmi trop de pensées, trop d’émotions contraires. Cette méditation avait été très douloureuse, car le visage qu’elle montra à Liébaut portait l’empreinte d’une étrange lassitude. La charmante femme trouva pourtant en elle la force de s’inquiéter de lui quand il lui eut répondu :

– « Je suis rentré à pied. J’ai voulu marcher un peu. »

– « Tu t’es senti souffrant ? » demanda-t-elle. « C’est vrai. Tu es rouge… Tu as le sang à la tête… Tu travailles trop… » ajouta-t-elle… « Et pourquoi ? Nous sommes assez riches, et tu es assez connu. Tu devrais te reposer… »

Elle avait pris la main de son mari, en prononçant cette phrase d’une affectueuse sollicitude qui n’était pas jouée. – » Elle m’aime donc !… » pensa le médecin. Que de preuves de dévouement Madeleine lui avait données ainsi depuis le retour de Ragatz ! Et toutes avaient infligé au mari la trop lourde impression de reconnaissance émue et de malaise qu’il éprouvait encore maintenant.