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devrait, pour conduire à terme ce projet, commencer, dès ce soir, une enquête par trop indigne de ce qu’avait été leur ménage ! Parlerait-il de Brissonnet, sans paraître se douter de ce qu’il savait par Agathe ? … Essaierait-il de faire dire à Madeleine qu’elle attendait le commandant et à quelle heure ?… Ou bien se tairait-il entièrement sur ce point, afin de mieux les surprendre le lendemain ?… Cacherait-il qu’il avait vu Mme de Méris, ou, tout au contraire, le dirait-il, afin de provoquer une confidence sur la mission dont la sœur aînée avait chargé la sœur cadette ?… Ces allées et venues de sa pensée lui donnèrent une agitation presque insoutenable, contre laquelle il s’efforça de lutter, en quittant sa voiture, à la hauteur de l’avenue Malakoff et rentrant à pied. Quand il ouvrit la porte de l’hôtel avec la petite clef qu’il gardait pendue à sa chaîne de montre, il était du moins maître de ses nerfs. Cette facilité à revenir chez lui sans que personne fût averti de sa présence tenait à des convenances toutes professionnelles. Agathe avait compté sur cette particularité quand elle lui avait tracé le plan de sa rentrée clandestine le lendemain. C’était là comme une répétition de la scène qui devait avoir lieu. Elle réussit si bien que Liébaut se sentit rougir à cette phrase d’accueil de Madeleine :

– « Ah ! c’est toi, François, tu m’as fait peur… Je n’avais pas entendu la voiture… »