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pieds quand elles arrivaient de la partie sablée du sol de la gare à la partie bétonnée. Elles formaient ainsi, causant avec un abandon que révélait l’accord de leur démarche, une couple d’une grâce singulière, tant la ressemblance de leurs silhouettes et de leurs visages était saisissante à cette minute. L’aînée, Agathe, avait trente ans, la cadette, Madeleine, en avait vingt-neuf. Cette différence, insignifiante, ne se reconnaissait pas à leur aspect, et elles donnaient l’impression de deux jumelles, si pareilles de traits que cette quasi-identité déconcertait les personnes qui ne les ayant pas vues souvent rencontraient l’une d’elles en l’absence de l’autre. Elles étaient toutes les deux blondes, d’un blond mêlé de reflets châtains. Elles avaient toutes les deux des yeux d’un gris bleu dans un de ces teints transparents, fragiles, qui font vraiment penser aux pétales de certaines roses. Elles avaient le même nez délicat, la même ligne mince des joues, le même arc bien marqué des sourcils, le même menton frappé d’une imperceptible fossette, et une jolie et même irrégularité de leur bouche spirituelle une lèvre supérieure coupée un peu courte, qui laissait voir au repos des dents un peu longues, joliment rangées.

À les étudier cependant, cette espèce de trompe-l’œil et comme de prestige s’évanouissait. Des détails tout physiques se remarquaient