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souvent entendue m’exprimer ses inquiétudes sur votre avenir ! Je savais comme elle est sensible aux moindres événements qui vous concernent !… Et puis M. Brissonnet vous a été présenté. Il est allé chez vous. Il est venu chez nous. Cette nervosité de Madeleine n’a pas cessé de grandir. J’ai expliqué alors cet état singulier par des désordres physiques. Toute la force de diagnostic que j’ai en moi, je l’ai appliquée à l’étudier. Je la voyais pâlir, ne plus manger, ne plus dormir, s’anémier, tomber dans ces silences absorbés d’où l’on sort comme dans un sursaut. L’évidence s’est imposée à moi qu’il s’agissait là d’une cause uniquement morale. Quelle cause ? Il ne s’était passé qu’un fait depuis sa rentrée à Paris : la présence dans notre cercle du commandant Brissonnet. Je n’eus pas de peine à constater que la mélancolie de Madeleine subissait des hauts et des bas d’après les allées et venues de ce nouvel ami. Devait-il dîner chez nous ou passer la soirée ? L’excitation prédominait en elle. Était-elle certaine qu’il ne viendrait pas ? C’était la dépression… Je luttai contre cette évidence d’abord. Je voulus me persuader que je me trompais. Mes efforts pour diminuer mes soupçons ne firent que les accroître. J’essayai de parler de vous, de savoir si elle caressait toujours l’espoir que vous vous décideriez à épouser M. Brissonnet. Je lui demandai si elle pensait qu’il vous plût et que vous lui plussiez… À