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minute. Rien qu’en essayant de donner un corps à mes idées, je les sens s’évaporer, s’évanouir… Et cependant je me les suis formées d’après des faits, ces idées. Elles ne sont pas des fantaisies de mon cerveau malade. Je n’ai pas rêvé, en observant que depuis ces trois mois, vous, Agathe, vous avez changé. Je n’ai pas rêvé davantage en constatant que Madeleine avait changé aussi… Quand elle est revenue des eaux, elle était encore gaie et ouverte, déjà moins qu’avant son départ. Je la surprenais quelquefois songer indéfiniment. Je remarquais aussi que ses conversations avec Charlotte roulaient toujours sur les incidents de ce fatal séjour à Ragatz. Elle n’avait rien à se reprocher, puisqu’elle m’avait écrit le détail de sa rencontre avec M. Brissonnet. Elle n’a rien à se reprocher encore aujourd’hui, j’en suis sûr, sûr comme vous et moi nous sommes ici. Elle m’avait parlé, dans ses lettres, de son désir que cet homme vous plût… Il n’était pas à Paris alors. Dès son retour, il est venu à la maison. Je ne m’y suis pas trompé. Du premier regard que nous avons échangé, lui et moi, j’ai éprouvé cette antipathie qui est un avertissement. Oui. J’y crois. Les animaux la ressentent bien devant les êtres qui peuvent leur nuire. À cette première visite, Madeleine était très nerveuse. Je m’en suis bien aperçu aussi. J’ai attribué cette nervosité à ce projet d’un mariage entre vous et le commandant. Je l’avais si