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jeune Rhin coule, si rapide et si froid, parmi les peupliers, s’étalait, sous le soleil tombant de cette fin d’une chaude journée d’août, comme une oasis de si calme félicité ! On eût dit que les contreforts des grandes Alpes apparus de tous les côtés se dressaient là pour préserver le coquet village, les fraîches prairies, les bouquets des vieux arbres contre la brutalité du monde. Et quelle noblesse dans ces profils de montagnes ! Avec quelle délicatesse de contours la chaîne du Falknis détachait sur le clair du couchant la dentelure violette de ses cimes ! Comme la gorge sauvage, en face, qui mène à Pfäfers, s’enfonçait hardiment dans la cassure des énormes rochers ! Que la ruine de Wartenstein était romantique à voir, écroulée sur la pointe abrupte de son pic ! Le vent se levait, faible encore, chargé de la fraîcheur des glaciers sur lesquels il passe, là-haut, avant de descendre dans la paisible vallée, et aucune dissonance ne troublait pour les deux sœurs le charme de cette heure. À peine si une douzaine de voyageurs attendaient, eux aussi, dans la gare, le train retardataire, à cette époque de l’année où les express rentrent presque vides à Paris. Les porteurs s’accotaient aux malles préparées sur le quai, avec un flegme tout helvétique. Dans ce silence des choses et des gens autour de leur lente promenade, le bruit le plus fort qu’elles entendissent était le rythme léger de leurs petits