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d’une légère atteinte de chorée, guérie par les eaux de Ragatz. Or, un des chapitres du grand ouvrage de son mari portait ce titre dont le seul énoncé poursuivait Madeleine d’une cruelle menace : Des rapports de la Chorée et de la maladie de Basedow. Elle avait cherché ces pages dans la bibliothèque du médecin, poussée par cette torturante curiosité du pronostic que connaissent trop tous ceux qui ont vu souffrir un être aimé sans bien comprendre son mal. Les sentiments de la mère à l’égard de la Science de son mari étaient depuis lors très complexes : elle éprouvait une reconnaissance anticipée pour l’habileté avec laquelle le médecin soignerait leur fille si jamais ce funeste présage se réalisait. Elle en voulait à cette Science du frisson où une pareille appréhension la jetait. C’étaient ces impressions qui l’avaient préparée, inconsciemment, à subir la nostalgie d’une autre existence, auprès d’un autre homme. La rencontre aux eaux avec l’héroïque officier d’Afrique avait soudain donné une forme à ses rêves. Elle s’était juré que personne au monde ne devinerait l’éveil en elle d’un émoi qui faisait horreur à ses scrupules. Hélas ! Elle avait été devinée par celui à qui elle aurait le plus passionnément désiré cacher la blessure soudain ouverte au plus secret de son cœur, François Liébaut lui-même, et le mari malheureux allait initier à sa découverte cette sœur dont