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de quarante et quelques années, vieilli avant l’âge. Il avait trop peiné, dans ces conditions de détestable hygiène où vivent nécessairement les médecins lorsqu’ils cumulent les labeurs de la clientèle et des recherches personnelles. Son teint brouillé où dominaient les nuances jaunes révélait la funeste habitude des repas pris vite et irrégulièrement entre deux consultations. Sa tête penchée en avant racontait une autre habitude, et non moins funeste, celle des longues séances à son bureau le soir, quand, la journée du praticien à peine finie, celle du savant commençait. Les personnes qui s’intéressent à cet ordre de questions connaissent son beau traité des Cachexies, où se trouvent exposées des théories neuves, notamment sur ces deux redoutables maladies des capsules surrénales et du corps thyroïde qui conservent une gloire funèbre aux noms d’Addison, de Basedow et de Graves. Le caractère très spécial des études du mari de Madeleine suffit à expliquer comment la jeune femme, toute intelligente et toute dévouée qu’elle fût, n’avait pu s’y intéresser véritablement. Elle avait beau être une créature très délicate, très souple, et, par conséquent, très disposée à modeler ses goûts sur ceux de l’homme distingué qu’elle avait épousé, son imagination avait été incapable de le suivre dans des analyses si austères, si répugnantes par certains points une sensibilité neuve et fine. Elle avait vu