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– « Tiens, » se dit-elle, « Liébaut a un malade dans ma maison ? » Puis aussitôt : « À moins qu’il ne soit chez moi… Chez moi ? Pour quel motif, lui qui ne vient pas me voir deux fois par an ?… » Après ses réflexions de tout à l’heure, une explication de cette visite irrégulière s’offrit à elle, qui lui fit battre le cœur, tandis que l’ascenseur, trop lent à son gré, l’emportait vers son troisième étage : « Se douterait-il de quelque chose ?… Mais de quoi ?… »

Le médecin était chez sa belle-sœur en effet. Il l’attendait dans une espèce de boudoir dont le seul aspect faisait un contraste significatif avec le coin si privé, si individuel, où, deux heures auparavant, Madeleine recevait Agathe. Ce petit salon de l’aînée aurait suffi à dénoncer les côtés tendus, guindés, et pour tout dire, prétentieux de sa nature. Cette pièce, où elle se tenait cependant beaucoup, avait l’impersonnalité d’un décor. Mme de Métis avait essayé d’en faire une copie, strictement classique, d’une chambre du dix-huitième siècle. Elle avait obtenu un ensemble si visiblement composé qu’il en était froid, artificiel, et surtout, ce n’était pas son salon. Sa grâce un peu raide y était trop déplacée, et non moins déplacée à cette minute la physionomie du docteur François Liébaut, qui, professionnellement vêtu de la redingote noire, allait et venait parmi ces étoffes et ces meubles clairs. C’était, on l’a déjà dit, un homme