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aime Louis. C’est la raison pour laquelle il se tait. Il ignore tout de mes sentiments. Elle lui a laissé voir tout des siens… Il a pitié d’elle, et sans doute aussi, il pense que s’il me demande ma main, elle se jettera en travers… Et moi qui me suis confiée à elle, moi qui l’ai chargée de ce message !… C’est préférable ainsi. Je saurai à quoi m’en tenir. Ah ! S’il m’aime, je ne me laisserai pas prendre mon bonheur. Et il m’aime ! il m’aime !…

La jeune femme s’était répété ce mot passionnément, afin d’en redoubler l’évidence. Son âme tourmentée s’y était fixée, comme à un point solide, où trouver un appui et de la force, quand après deux heures de ces méditations contradictoires, où tour à tour elle avait incriminé et innocenté sa sœur, l’automobile s’arrêta enfin à l’entrée de la maison qu’elle habitait. C’était une grande bâtisse palatiale, pour employer le vocabulaire barbare d’aujourd’hui, à l’angle de l’avenue des Champs-Élysées et d’une des rues qui la coupent. Mme de Méris occupait dans ce caravansérail un vaste appartement d’une installation intensément moderne, – un peu par esprit d’opposition au petit hôtel intime de Madeleine. Elle demeura étonnée de voir stationner devant sa porte un coupé à caisson jaune attelé de deux petits chevaux, l’un blanc et l’autre noir. Elle reconnaissait la voiture de louage dont son beau-frère se servait pour ses visites :