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Louis Brissonnet ? … Quand elle m’a écrit de Ragatz, pour me parler de leur rencontre, je me rappelle, j’ai été étonnée de son enthousiasme. J’ai expliqué cela par cette facilité à l’engouement qu’elle a toujours eue. J’ai voulu y voir une preuve de plus que ce projet d’un second mariage pour moi lui tenait vraiment au cœur. J’en ai souri et je lui en ai été reconnaissante. Si je m’étais trompée pourtant ?… Non. Encore non. Elle ne me l’aurait pas présenté… Puis-je supposer qu’elle l’ait fait uniquement pour s’assurer des facilités de le revoir ?… Et pourquoi non ? Elle a toujours été si personnelle, si peu habituée à se contraindre ! Tout lui a toujours tant réussi !… Ce serait un infâme procédé… Allons donc ! Une femme qui aime hésite-t-elle sur les procédés ? Madeleine aura spéculé sur cette froideur qu’elle m’a si souvent reprochée. Ma froideur ! Parce que je n’étale pas mes sentiments comme elle ! Ç’aura été son excuse à ses propres yeux. Elle se sera dit : ma sœur n’aimera jamais cet homme, je ne lui ferai donc aucun tort, et moi, elle me servira de paravent… Je crois que je deviens folle. Ce serait admettre qu’elle trahit son mari… Et ce n’est pas ! Ce n’est pas ! »

Comme on voit, ce petit monologue sous-entendait de singulières sévérités de jugement envers la tendre et pure Madeleine, et de bien imméritées, de bien gratuites aussi. Le principe de cette injustice