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scrupules. Tu m’as fait accepter cette idée d’un second mariage. Tu me dois de m’aider… Je comprends que c’est bien délicat, bien intimidant… Mais qui peut toucher cette question avec lui, si ce n’est pas toi ? Et il faut qu’elle soit touchée. Encore un coup, je souffre trop de cette incertitude. Ma réputation, c’est beaucoup. Il y a quelque chose qui m’importe encore plus que ma réputation, c’est mon cœur. Il n’est pas assez pris pour que je n’aie pas encore la force de renoncer à ce rêve, s’il m’est démontré que ce n’est qu’un rêve. Mais il faut que je sache. Il le faut… »

Elle avait parlé avec une passion grandissante qui prouvait combien elle avait changé depuis ces instants où elle affirmait, sur le quai de la gare de Ragatz, son intention d’un éternel veuvage. Elle disait alors : « Mon existence est telle que je l’ai voulue, et sa fierté me suffit… » Et à cette seconde même l’ironie du destin amenait dans cette petite gare justement celui devant qui cette fierté devait si vite plier. Une autre personne avait changé davantage encore, c’était celle à qui la jeune veuve, désireuse maintenant de redevenir une jeune femme, adressait ce pressant appel. À mesure que l’aînée avait précisé le détail de la mission dont elle souhaitait de charger sa cadette, le cœur de celle-ci avait été agité d’une palpitation de plus en plus forte. L’entretien